Sur Direct 8, les nuits, un livre est lu en entier pendant 4 heures
Plan fixe. Un homme (ou une femme), un fauteuil, un livre. Non, c'est sûr, l’accessoiriste de Voyage au bout de la nuit n’a pas beaucoup de travail. Les lecteurs - un seul par nuit - sont des comédiens recrutés par petites annonces.
Mais si, c’est possible ! C'est depuis Février 2008 à l'antenne, du coeur de la nuit jusqu'au petit matin.
Contrairement à ce que le titre pourrait laisser présager, aucun risque, hélas, que le chef d’œuvre de Céline ne soit lu à l'antenne. Les auteurs de ces livres sont tous morts depuis plus de 70 ans. Pourquoi cette drôle de régularité ? Parce que passé ce délai, les œuvres littéraires tombent toutes dans le domaine public*. La chaîne n’a donc pas a payer de droits.
Qu’importe, ces voyages de nuit explorent les auteurs jusqu’au XIXème siècle (voir le début du XXème) et ce ne sont pas les chefs d’œuvre qui manquent.
Mais est-ce un succès ? Sur le site Rue89, on découvre les propos du directeur des programmes de divertissement, François Barré. « Parfois on fait des audiences pourries » dit-il avec sincérité. Il parle même de soirée « d’accompagnement pour 1000 personnes » avant de préciser qu’il y a des pics à 40 000. Ce qui, à ces heures-là, représente un pourcentage d'écoute très important.
Une Pda de 1000 personnes, un lapin sort du chapeau
Ceci dit, quand on s’est renseigné un tant soit peu sur le fonctionnement de Médiamétrie et de son panel, il apparait quand même assez magique d’obtenir une audience de 1000 personnes. En effet, moins de 10.000 personnes sont intégrées dans le programme et nous représentent tous : nous, téléspectateurs, soit plus de 60 millions de "4 ans et plus" ! Faites la division et vous comprendrez que chaque personne incluse dans ce panel représente plus de 4000 téléspectateurs (un seul représentant = + de 4000 téléspectateurs !).
Le problème c’est que Médiamétrie, avec moins de 4000 boîtiers (et moins de 10.000 cobayes), possède un panel qui parait à première vue important ...mais qui est en réalité assez ridicule pour mesurer les petites chaînes …ou les programmes de nuit. Alors, pour les programmes de nuit des petites chaînes ! Non, non, et non ! Trop peu de monde, le thermomètre est inadapté. Autant attraper un moustique avec la pince d'un gros Caterpillar !
Scientifiquement, ces mesures ne sont pas valides. Pourtant, toute une économie est basée sur ces estimations ! Des animateurs sont virées, des producteurs perdent des contrats... Tout le monde - y compris ce petit blog - passe son temps à disserter sur les chiffres de Médiamétrie comme s'il s'agissait d'une parole d'Evangile...
Enfin, bon, bref, il faudra, un jour, faire un dossier sur Médiamétrie, ce monopole que personne ne conteste, cette entreprise dont les clients (les directeurs de chaînes qui reçoivent les Pda tous les matins à 9h et arrosent leurs employés) sont aussi les patrons et siègent au conseil d’administration !
L'entreprise ferait bien d’augmenter drastiquement son nombre de boîtiers. Il y a de plus en plus de chaînes. Le ratio d’un boîtier pour 12.000 français (et d’un membre du panel pour 4.000 français) quand le pays dispose de 18 chaînes gratuites… est un peu léger. Plus de précisions dans les mesures devient une véritable nécessité, dont personne ne semble vouloir parler. Mais revenons à notre drôle d’émission. Oublions vite cette escale et revenons à nos voyages nocturnes. A défaut d’être un succès incontestable, cette émission a de nombreuses qualités…
Quelle drôle d’émission !
- Avec les textes de Daudet, Musset ou Flaubert, c’est donc vraiment culturel : il ne s’agit pas, comme d’habitude, de laisser la parole au petit monde littéraire parisien, ni de voir des écrivains bons clients faire le jeu de la promo,
- C’est d’un principe simplissime : il serait dur de faire plus simple,
- c’est économique : pas de droits à payer, juste le cachet du comédien par nuit,
- c’est original : la chaîne évite, pour son programme de nuit, les sempiternelles rediffusions,
- c’est également fonctionnel : cette émission a une utilité incontestable, elle aide le téléspectateur à s’endormir, les insomniaques apprécient,
- c’est conceptuel : comment ne pas penser aux films expérimentaux de Warhol ? Notamment Sleep (plus de 5 heures : un plan fixe sur un homme qui dort) ou Empire (8 heures : un plan fixe sur l’Empire State Bulding du coucher au lever du soleil)
De là à dire, qu’en 2008, Direct 8 a plus réussi ses nuits que ses jours…
*les livres du domaine public sont d’ailleurs téléchargeables – en toute légalité – sur de nombreux sites, un moteur de recherche Google est disponble ici !